“Mais, au-delà des voeux pieux et de quelques expériences personnelles, sur quoi se fonde notre postulat? Sur des travaux de biologistes, de neurophysiologistes, et, entre autres scientifiques, de psychologues qui conduisent à la conclusion suivante: chaque organisme, à chaque niveau, étant animé d’un mouvement perpétuel vers la réalisation des possibilités dont il dispose, chez l’homme aussi existe une tendance naturelle à un développement complet. Cette tendance à l’actualisation, ou à l’accomplissement, pour reprendre les termes les plus couramment utilisés , est universelle chez les organismes vivants et c’est sur son existence que se fonde l’approche centrée sur la personne.
Si elle peut, naturellement, être bridée, la tendance à l’actualisation ne disparaît qu’avec l’organisme lui-même. Quand j’étais jeune, nous avions coutume de stocker notre provision hivernale de pommes de terre dans un sous-sol à peine éclairé par un petit vasistas. Ces mauvaises conditions n’empêchaient pas les pommes de terre en question à germer-des germes pâlots et blanchâtres, certes, pas les vigoureux germes verts qu’on observe au printemps et en plein terre, mais des germes dont la triste maigreur s’étirait sur deux ou trois pieds en direction de la lointaine lumière et dont l’étrange et vaine croissance reflétait, dans son effort tenace et tragique, l’élan dont je viens de parler : envers et contre tout, sans espoir de mûrir, de se réaliser ni de s’épanouir, ils s’efforçaient de devenir et, à défaut de fleurir, du moins voulaient-ils vivre.
(…)
L’approche centrée sur la personne se fonde sur le postulat selon lequel l’organisme humain, foncièrement digne de confiance, est capable d’apprécier le contexte extérieur et intérieur, de s’y comprendre lui-même, d’y faire choix d’un avenir constructif et d’agir sur la base de ce choix.”
Extrait de L’approche centrée sur la personne, chapitre Les métiers de l’humain, anthologie des textes de Carl Rogers, (pp 410-412), édition Randin, 2001.